Etre un élément d’équipement indissociable de l’ouvrage, est-ce lui être vital ? Retour sur un revirement de la Cour de Cassation (Cass. Civ. 3ème, 21 mars 2024, pourvoi n° 22-18.694)
Revenons au texte pour comprendre les enjeux : au terme des dispositions de l’article 1792-2 du code civil, la « présomption de garantie décennale » du constructeur englobe même le cas d’un désordre qui porterait sur un « élément d'équipement […] considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage ». L’appréciation est a priori large, dès lors que le dommage est alors censé, le cas échéant pour impliquer une mise en responsabilité, affecter un élément d’équipement faisant indissociablement corps avec la viabilité principale, la fondation, l’ossature, etc.
Une chaudière intégrée, une pompe à chaleur, une cheminée ? Potentiellement oui. C’était jugé ainsi par l’Ordre des juridictions civiles, si le désordre impliquait une impropriété à destination dite d’ensemble (Cass. Civ. 3ème, 15 juin 2017, pourvoi n° 16-19.640 ; Cass. Civ. 3ème, 14 septembre 2017, pourvoi n° 16-17.323). En clair, l’appréciation de l’impropriété à destination était générale, l’ouvrage étant alors appréhendé dans sa globalité. Régime plutôt confortable pour les maîtres d’ouvrage se livrant à des travaux de rénovation ou d’amélioration d’une construction préexistante. Elément dissociable ou non, d’origine ou installé sur un existant, peu importait.
Dorénavant, si des éléments d'équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun, non soumise à l'assurance obligatoire des constructeurs.
Doit-on relativiser cette décision ? Oui, et non, car il ne faut pas oublier qu’il s’agissait en l’occurrence de travaux d'installation d'un insert dans un conduit de cheminée existant, qui n'impliquaient pas la réalisation de travaux de maçonnerie ni d’atteinte portée au gros œuvre de l'immeuble. Faudrait-il conclure de même pour une pompe, ou autre, intégrée dans la maçonnerie de gros-œuvre ?